J’ai récemment lu le texte d’un autre étudiant de mon baccalauréat dans lequel il comparait la gestion de classe à celle d’une entreprise. Il soutenait, entre autres, que le bon fonctionnement des deux dépendait de la standardisation des procédures. La comparaison entre une classe et une entreprise m’apparaît franchement dangereuse. Premièrement parce que les finalités des deux ne sont pas les mêmes, deuxièmement parce que les règles et procédures ne doivent pas être les mêmes, et finalement parce qu’appliquées en classe, les procédures qui régissent une chaîne de montage limiteraient les élèves dans l’atteinte de leur plein potentiel.
L’entreprise et ses finalités
L’entreprise est d’abord capable de générer une valeur économique, c’est ce qui la définit. Tous les mécanismes qui régissent son fonctionnement y contribuent, parfois indirectement. Le bien-être des employés, par exemple, est instrumental et permet d’accroître la productivité. Les procédures (par exemple, comment assembler un hamburger) sont des moyens d’uniformiser la production et, à défaut d’en accroître la qualité ou d’en modifier la nature, d’en prévoir précisément le contenu. À l’inverse, en éducation, le bien-être des individus n’est pas instrumental : il est une des finalités qui devrait guider la pratique de l’enseignant.
Le rôle des règles
Au niveau de la nature des règles, il a été dit qu’elles servent à l’entreprise pour uniformiser la production. En classe, il n’est pas question de production, mais d’éducation. Cette importante nuance nous rappelle que les règles en classe servent à normaliser le comportement des individus en quelques points seulement. À ce niveau, il m’apparaît judicieux de distinguer les règles d’exécution des règles de vie. Il me semble évident que les seules qui peuvent être passées ainsi d’une institution à l’autre sont les règles de vie, celles-là même pour lesquelles les commerces de détail s’en remettent généralement aux lois.
La pensée divergente
Si la règle est une contrainte, elle contribue nécessairement à limiter la créativité des élèves et plus précisément, la pensée divergente. La pensée divergente est un mécanisme de raisonnement indépendant qui permet d’imaginer des solutions à des problèmes, au-delà des limites imposées par les schèmes de pensée auxquels nous sommes habitués. Imaginez que vous demandez à des enfants de trois ans de nommer les usages qu’ils peuvent faire d’une feuille de papier. Ils auront plusieurs réponses, parfois même des centaines. En 1968, une étude a démontré que plus les enfants grandissent, moins les réponses sont nombreuses (LAND, 1968). La réponse se situe quelque part entre l’expérience et l’éducation. Établir des consignes trop précises ou des règles d’exécution normatives a pour conséquence de restreindre la créativité des élèves.
Quelle leçon tirer de tout ça dans l’établissement d’une bonne gestion de classe ? Il faut établir des règles, mais elles ne doivent jamais retenir les élèves dans leur créativité et leurs ambitions. En cas de conflit entre règles et créativité (positive), cette dernière devrait primer et amener à revoir la règle. Il faut demeurer ouvert quant aux réponses attendues et savoir reconnaître leur pertinence même lorsqu’elles sont divergentes.
Conclusion
Une comparaison entre la classe et l’entreprise peut être faite mais a, à mon avis, peu d’intérêt, étant donné que les objectifs des deux sont complètement opposés. Quelques superpositions des fonctionnements peuvent révéler des similarités (importance de la ponctualité, par exemple), mais les idées desquelles elles sont issues sont en tout point inconciliables.
Je joins ici une vidéo expliquant le concept de pensée divergente selon Ken Robinson, un penseur de l’éducation en Angleterre :