Subir la technologie versus la contrôler

Trop souvent, je suis perplexe face à cet engouement pour « l’intégration des TIC à l’éducation ». En fait, cette expression ne devrait pas exister selon moi. Les TIC deviennent comme un cheval de Troie qui progressivement dénature l’éducation dans son rôle le plus important : socialiser, au sens de transformer des êtres humains en citoyens. Un être humain ne peut pas être transformé par une machine, ou en tout cas ce n’est pas souhaitable. J’aimerais dans cet article exprimer la différence entre subir la technologie et la contrôler.

Subir la technologie

Subir la technologie, c’est l’utiliser pour répondre à des besoins postérieurs à son apparition. Par exemple, si un enseignant demande à ses élèves de créer des schémas de concepts alors qu’ils n’en créaient pas avant l’avènement de l’outil, lui et ses élèves subissent la technologie.

Si un enseignant recherche compulsivement un outil pour accomplir une tâche particulière, et que devant l’échec de ses recherches il classe son besoin comme impossible à combler, alors il subit la technologie.

Si un enseignant se surprend à passer plus de temps à bidouiller le rendu de sa présentation Prezi qu’à documenter son cours, alors il subit la technologie.

Bref, quand on subit la technologie, on n’en tire pas le plein potentiel. Et parfois, atteindre le plein potentiel, ça veut aussi dire rejeter les TIC lorsqu’elles ne sont pas appropriées.

Contrôler la technologie

Contrôler la technologie, c’est avoir une connaissance rudimentaire du fonctionnement des outils que l’on utilise. Sans devenir un programmeur, un enseignant qui utilise Prezi devrait être capable de distinguer une application d’un site Web. De distinguer Internet d’Internet Explorer. De connaître les avantages et désavantages des données dans le Cloud, mais aussi ceux du stockage en local.

C’est aussi comprendre les intérêts des entreprises qui développent ces outils. Il faut savoir qu’en informatique plus que dans tout autre domaine, le prix ne reflète que rarement la véritable qualité d’un outil. Vous avez déjà entendu parler de logiciels libres ? Savez-vous qui les développent ? Pour baigner dans le domaine depuis des années, je vous assure que les intérêts qui sous-tendent leur développement correspondent beaucoup mieux aux visées de l’éducation nationale que ceux des logiciels pour lesquels les écoles déboursent.

Intégrer les TIC à l’éducation, c’est aussi savoir les rejeter lorsqu’elles ne correspondent pas aux visées de l’école. J’ai personnellement une réticence avec l’acquisition démesurée de matériel informatique qui, rappelez-vous, entrave le contact humain nécessaire à l’école.

Finalement, comprendre la technologie, c’est savoir l’adapter légèrement lorsqu’elle ne correspond pas parfaitement à nos besoins. J’entends surtout être capable de sélectionner un ensemble d’outils que nous saurons harmoniser pour notre utilisation particulière.

Conclusion

En conclusion, la différence entre subir la technologie et la contrôler est importante : elle partage les individus entre spectateurs et acteurs. En éducation, on ne peut pas se contenter de faire des élèves des spectateurs, car ils évolueront dans un monde où la compréhension, la production et l’utilisation critique de la technologie sont essentielles. Je profite de l’occasion pour rappeler un de mes articles précédents qui illustre un peu plus concrètement comment rendre autonome et critique un individu dans son apprentissage technologique : Quand on de la technologie qu’un apprentissage fragmentaire.